17 - Léo

Hommage à ces êtres innocents, qui accompagnent nos vies d’enfants, qui existent à travers nos émotions les plus brutes, et qui parfois nous restent à l’âge adultes : nos peluches.

On est le 7 octobre 2017. Je suis dans l’avion pour l’Australie. On arrive presque. Je me penche vers le hublot. J’aperçois cette ile immense et l’excitation me gagne. Ça y est. J’y suis. Je suis en train de réaliser mon rêve de petite fille. Mais que va-t-il se passer là-bas ?

Quand on sait pas ce qui nous attend dans le futur, on a tendance à regarder dans le passé.

Quand j’étais petite, j’avais un léopard en peluche. Quand je l’ai eu, il était déjà vieux. C’est mon cousin de 10 ans de plus que moi qui l’avait donné à ma sœur Miroir. Puis ma sœur me l’avait donné car j’avais perdu mon lapin apparemment. Je me souviens pas du lapin. Dans ma tête, j’ai toujours eu ce léopard. Il était tellement vieux que son pelage avait séché et sa couleur était toute pâle. Son corps avait perdu pas mal de cette sorte de coton qu’ont met dans les peluches pour les rembourrer et leur donner une forme.

Il était relativement plat. Je tenais tant à cette peluche que je l’emmenais partout. A l’école, en maternelle, on pouvait apporter nos peluches, mais à partir du CP, quand on rentrait à l’élémentaire, c’était plus possible de faire ça, alors je le laissais à contre cœur dans la Volvo bleue de papa.

Ce léopard me connaissait par cœur. Je lui disais tout. Et lui, il écoutait, attentivement.

Pour moi, il était vivant. Toutes les peluches étaient vivantes. Je prenais soin d’elles. Je pouvais communiquer avec elle. Ça me fait penser à un film de 1995 qui s’appelle « La petite princesse ». L’histoire se passe pendant la première guerre mondiale. Sarah vit dans un internat à New-York pendant que son père part dans l’armée britannique pour se battre contre les Allemands. Cette petite fille courageuse raconte des histoires merveilleuses aux autres internes, dont certaines orphelines, et elle s’invente un monde magique pour l’aider à survivre dans ce lieu froid et sévère. Il y avait une scène que j’aimais particulièrement. C’est quand Sarah ferme la porte de sa chambre derrière elle. Elle croit que sa poupée de porcelaine et tous les autres jouets de sa chambre s’animent dès l’instant où elle quitte la pièce. Elle se retourne, et regarde à travers le trou de la serrure. Elle se dit qu’au moment même où son regard se pose de nouveau sur ses jouets, ceux-ci reviennent à leur place aussi vite que l’éclair. Quand le film est sorti, j’avais 6 ans. Moi aussi j’y croyais. Tout ça pour dire que ce léopard que j’appellerai plus tard « Léo » était un être très spécial pour moi. D’ailleurs, il l’est toujours maintenant que je suis adulte. Un jour, à Angers, je me baladais dans les rues avec ma petite sœur Céleste et son mec. C’était le festival des Accroche-cœurs, une immense fête gratuite qui a lieu tous les premiers weekends de septembre. La ville est entièrement décorée selon un thème. Des artistes venus du monde entier occupent les places, les parcs, les rues. Musiciens, comédiens, acrobates, chanteurs… Alors, moi, Céleste et son amoureux, marchons sur la place de la Rochefoucauld. Il y a un attroupement de personnes autour d’une installation en métal entourée de jouets de toute sorte. L’armature métallique supporte un rail de plusieurs mètres de long s’élevant dans les airs. Au bout de ce rail, un ballon de baudruche. C’est un jeu, le principe est simple : il faut pousser un wagon sur ce rail pour le faire rouler jusqu’à ce qu’il atteigne le ballon. Si le ballon éclate, c’est gagné. Le prix ? Un jouet choisi parmi tous ceux qui se trouvent autour de cette architecture extraordinaire. Nous nous arrêtons pour observer, d’un regard amusé, les différents candidats s’exécuter. Cela ne semble pas si facile. Il faut donner un élan important pour propulser le wagon le plus loin possible afin qu’il perce le ballon. Soudain, parmi tous les jouets qui entourent la structure fantastique, nous apercevons un léopard en peluche identique au mien à quelques différences près : sa couleur est vive, ses poils ont l’air doux et il est bien rembourré. C’est la version jeune de mon léopard ! Notre esprit ne fait qu’un tour : Il faut gagner ce jeu et repartir avec le jeune léopard. Le copain de Céleste est un compétiteur. Quand il entreprend quelque chose, il se dit qu’il va forcément réussir. Le défi est lancé. Il nous affirme qu’il va gagner. Il le sait. Nous, on veut tellement ce léopard qu’on commence à l’acclamer! Le jeu, qui se déroulait jusque-là plutôt calmement commence à s’animer. La foule s’agite, s’échauffe. En d’autres termes, on met l’ambiance. Chaque joueur a le droit à trois essais. Deux autres hommes entrent en compétition. Le premier qui éclate le ballon sera le vainqueur. Notre athlète fait son premier essai. Le wagon atteint le ballon mais pas assez près pour pouvoir le faire exploser. Les autres concurrents ne sont pas mal non plus, je frémis ! Le léopard me regarde. Son vieux frère l’attend, non loin d’ici. L’animateur du jeu nous repère et commente avec humour nos hurlements. La foule est en liesse. Deuxième essai. On y croit, le wagon part plus rapidement qu’au premier coup. Il semble décoller. Il touche le ballon mais celui-ci reste intact ! Plus qu’un essai, la tension est à son comble. Nous unissons nos voix pour scander en cœur « Allez ! Allez ! ». Mes yeux sont fixés sur le ballon et mon cœur est accroché aux rails. Le wagon s’élance, après trois va et vient pour lui donner la meilleure impulsion, il est lâché sur cette voix ferrée et fonce comme une fusée, droit sur son objectif. On va décrocher la lune ! PAF ! Nos encouragements se transforment en un cri de joie. Ce jour-là, le jeune léopard a rencontré son ainé. C’est Céleste qui a l’adopté. Moi, j’ai toujours mon vieux léopard. Quand je suis partie pour l’Australie, j’avais un désir d’indépendance. Je voulais tout faire toute seule. Alors j’ai fait un truc impensable. Céleste s’en est aperçu quelques semaines après mon départ quand elle est entrée dans mon ancienne chambre pour y chercher du linge. C’est en ouvrant un tiroir d’une commode qu’elle a découvert avec stupéfaction : mon Léopard allongé tranquillement sur une pile de draps. Et oui, j’avais tout laissé, même toi Léo.  

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