11-La Plus Belle du Monde
Quand une grande sœur voit sa benjamine grandir sous sous aile, et puis un jour c'est elle, la petite, qui lui apprend quelque chose d'essentiel…
Vocabulaire
la maternité : la section de l'hôpital ou clinique réservée aux naissances
rare : unique, peu commun
se disputer : se battre, avoir un conflit
un cosic : un siège pour les bébés
un landau : un lit pour les bébés
un voile : un morceau de tissus pour couvrir
une coiffure : un style de cheveux
une grimace : contorsion des muscles du visage qui enlaidit
un canard : un type d'oiseau avec un bec plat
éclater de rire : rire soudainement
chut : ce qu'on dit pour faire taire quelqu'un
résonner : faire écho
un opéra Bouffe : un opéra comique
Offenbach : compositeur et violoncelliste français d'origine allemande , né en 1819
Hélène de Troie : personnage central du mythe grec de la guerre de Troie. Fille de Zeus et de Léda dans la mythologie grecque
un vers : une ligne de pièce de théâtre
une pièce de théâtre : œuvre, spectacle joué par des comédiens
élémentaire : basique
hilarant : extrêmement amusant
un idiot : un ignorant, un fou
débile : idiot, imbécile
bête : idiot
un concours : une compétition
une note : un score
Noël : célébration de la naissance du Christ
la tectonique : type de danse
un casting : une sélection d'artiste
un gabarit : une corpulence, une forme physique
le lycée : niveau d'école pour les élèves de 16 à 18 ans
les fringues : les vêtements
prêter : donner
piquer : prendre
un vide : un manque
un modèle : un exemple
confier : dire un secret
un journal intime : un cahier dans lequel on raconte sa vie personnelle
un autocollant : une image qui peut se coller quand on détache le dessus
Tenir à quelque chose : donner de l'importance à quelque chose, aimer
une feuille : un morceau de papier
coller : fixer quelque chose sur un support
déçu : désappointé, dépité
se fâcher : se mettre en colère
s'en vouloir : avoir des remords
l'étonnement : la surprise
s'approcher : aller vers
humble : modeste, qui a conscience de ses limites, de ses faiblesses, qui montre une humilité
vulnérable : qui, par ses insuffisances, ses imperfections, peut donner prise à des attaques
Transcription
Vous vous souvenez de Céleste ?
Quand elle est née j’avais huit ans. Deux images me reviennent du jour où on est allée la chercher à la maternité. La première c’est la poupée Barbie que j’ai eue. Elle avait la peau noire, ce qui était plutôt rare pour à l’époque. Elle était magnifique. Miroir avait eu la même. Je nous revois jouer avec nos poupées, on s’était pas disputé pour une fois, on étaient tellement contente d’avoir eu une Barbie et une petite sœur. La 2eme image c’est dans la voiture. Céleste était allongé dans son cosic, à ma droite. Je la regardais et je l’imaginais quand elle serait plus grande. Je pensais à tout ce que j’allais pouvoir faire avec elle. J’avais hâte qu’elle devienne une petite fille pour qu’on explore le monde ensemble.
Bienvenue sur le podcast : La Vie d'Alix
Elle dormait dans la même chambre que moi au début. Son landau était blanc avec un voile rose pale. Je ne pouvais pas la laisser pleurer alors je m’approchais du landau et je lui parlais. Plus elle grandissait et plus je l’admirais. Je lui disais tous les jours qu’elle était la plus belle du monde. Ses yeux verts étaient incroyablement beaux. J’adorais ses longs cheveux épais et dorés. Je lui faisais des coiffures pendant des heures. Elle était extrêmement patiente. Je faisais tout pour lui procurer de la joie. On prenait des bains ensemble et on mettait de l’eau partout en se balançant pour créer des vagues. On faisait les grimaces les plus hideuses devant le miroir. Je prenais souvent cette expression du visage avec les lèvres retroussées qui me faisait ressembler à un canard et on éclatait de rire à chaque fois. Elle riait tout le temps. Une fois, on était allée au cinéma toutes les trois pour voir Peter Pan et Miroir lui disait chut parce qu’elle riait si fort que ça résonnait dans toute la salle. Je trouvais ça encore plus drôle. Une jour, Aurélien m’avait dit « Faut absolument que tu vois La Belle Hélène », l’Opéra bouffe d’Offenbach, alors j’y suis allée avec Céleste. Elle a ri, elle a ri. Elle avait seulement 8 ans et elle a adoré la pièce qui raconte avec humour l’histoire d’Hélène de Trois. Après ça, on récitait les vers de la pièce et on rejouait les scènes. Notre préférée c’était quand Calchas et Agamemnon tentent de convaincre le roi Mélénas de donner sa femme à Paris, le prince de Troie « Tu as une femme, on te la demande, et bien tu la donnes, c’est élémentaire. » On trouvait ca hilarant, Céleste riait tant qu’elle en avait les larmes aux yeux. On adorait faire les idiotes. Quand on a eu une caméra, on tournait des vidéos débiles où on improvisait des émissions. On disait un tas de truc bête et on rigolait beaucoup. On faisait des concours de danse aussi. On mettait une musique et on regardait l’autre danser, on lui donnait une note puis on échangeait les rôles. Un jour, à Noel, Papa est entré dans la chambre pour nous dire que le diner était prêt, et Céleste me filmait en train de danser la tectonique, je lui ai répondu cette phrase culte : « Mais attend on fait un casting ». Quand Céleste était enfant, je voyais bien qu’elle serait grande, on avait pas du tout le même gabarit, j’avais prédit qu’elle me dépasserait quand elle aurait 14 ans. En fait, a 12 ans, elle était déjà plus haute que moi. Un jour, chu allée la voir à un concert, elle jouait du violon dans l’orchestre de son lycée. Elle avait 16 ans, j’en avais donc 24. Une de ses amies m’a vue arriver de loin et elle lui a dit « Tien, ya ta petite sœur ». C’était pratique pour les fringues, elle me les prêtait, jusqu’au jour où je pouvais plus rien lui piquer parce que c’était devenu trop grand pour moi. Malgré ça, je me disais qu’elle allait rester petite pour toujours. Je la voyais pas grandir, ou je voulais pas. Chu partie de la maison à 19 ans. Ca lui a fait un grand vide je crois. Elle avait 11 ans. J’m’en suis voulu de ne pas avoir été là pour l’écouter et pour la soutenir pendant son adolescence. J’avais été son guide, son modèle pendant des années. Elle avait tellement confiance en moi qu’elle m’avait même confié son journal intime pour lui trouver une meilleure cachette, et je l’ai jamais lu. On jouait tout le temps ensemble, sauf quand Léna venait à la maison. Céleste voulait jouer avec nous et pour qu’elle accepte de partir, je lui donnais un autocollant. J’avais une grosse collection d’autocollants de toute sorte à l’époque. J’y tenais beaucoup mais je voulais pas qu’elle soit trop triste. Comme Léna était souvent à la maison, au bout d’un moment Céleste avait beaucoup d’autocollants, et ma collection avait bien diminué. Un jour, j’ai trouvé une feuille blanche dans sa chambre, une feuille sur laquelle elle avait collé tous les autocollants, les uns sur les autres, de sorte qu’on ne voyait que le dernier. Je pense que j’étais pas mal déçue sur le moment, mais j’ai trop rien dit. On s’est jamais disputé. Ya juste une fois où on jouait dans ma chambre, et je sais plus pour quelle raison je me suis fachée. Elle avait 6 ou 7 ans. Elle est partie dans sa chambre et je me suis retrouvée à pas savoir quoi faire. Je m’en voulais. Au bout de quelques minutes elle est revenue dans ma chambre, à mon grand étonnement, elle s’est approché de moi, elle m’a serré dans les bras en pleurant et elle m’a dit : « pardon ». Ce jour-là, j’ai vu cette petite fille humble et courageuse se montrer si vulnérable que j’en ai été profondément touchée. Oui, c’est elle, du haut de ses 7 ans, qui m’a montré ce que c’était de demander sincèrement pardon et qui m’a appris à pardonner.