8- La vingtième lettre de l’alphabet
Voici l'histoire d'une ado amoureuse dont le secret est révélé au grand jour.
Vocabulaire
un bijou : un objet de parure précieux
à contre-jour : avec la lumière dans le dos
une pierre précieuse : le diamant, l'émeraude, le rubis ou le saphir
bleu cyan : bleu clair
safran : poudre jaune orangé
topaze : espèce minérale à la couleur jaune orangé
platine : blond très clair
cendré : blond foncé
halé : bronzé, mate
quatrième : niveau pour les élèves de 14 ans
terminale : dernier niveau du lycée
un voisin de classe : un camarade de classe assis à coté
un devoir : un travail écrit
un bâton : un trait droit comme un i
une feuille : un morceau de papier rectangulaire sur lequel on peut écrire ou dessiner
le champ de vision : la zone visible par les yeux
une hésitation : une incertitude
solaire : relatif au soleil
se confier : dire un secret
un rébus : un message codé par des dessins
un bout de papier : un morceau de feuille
décrypter : décoder
tomber sur : découvrir
deviner : trouver la réponse ou la solution
une poche : petit sac de toile à l'intérieur d'un vêtement
le truc : la chose
déduire : trouver par déduction
se mettre à : commencer à
chu : je suis
gêné : embarrassé
valoir la peine : présenter un certain intérêt
quitte à : au risque de
charrier : se moquer de quelqu'un
"Qui aime bien châtie bien" : expression pour dire que quand on aime quelqu'un, on veut attirer son attention en étant gentiment méchant
un latiniste : un étudiant en latin
H24 : sans arrêt, toute la journée
un semblant de : quelque chose faussement similaire
amplement : largement
une bataille d'oreiller : un jeu qui consiste à jeter des oreillers et coussins sur les autres participant
s'extirper : sortir
écossais : tissu de laine ou de soie présentant un ensemble rayé à grands carreaux, de coloris vifs et différents de fond
s'empresser de : se dépêcher, faire quelque chose rapidement
les bagages : les valises et autres sacs qu'on emmène en voyage
fouiller : chercher
un indice : une aide
les regards braqués : les regards fixés
une étiquette : un papier, tissus ou plastique rectangulaire avec des informations dessus
passer aux oubliettes : être oublié
bavarder : discuter
prêter attention : se concentrer sur, écouter
tendre l'oreille : écouter attentivement
Bonjour, dans le dernier épisode, je vous ai parlé de Julien.
C’était le premier blond aux yeux bleus de ma vie. Si je dis premier, c’est que, comme vous le savez, yen a eu d’autres après.
Alors je vais continuer à vous parlez d’eux, les carreaux de mon cœur comme je les ai appelés.
Bienvenue sur le podcast : La Vie d'Alix
Le deuxième « carreau » il s’appelait Thibault. Déjà, y’avait le mot « beau » dans son prénom. Ça commençait bien. Ses yeux, comment vous dire, c’étaient des bijoux. Je me rappellerai toujours de ce jour où nous étions en haut des marches de la Cathédrale St Maurice. C’était au mois de mai, un après-midi. J’étais à contrejour, et lui, son visage tourné vers moi, face au soleil. Les rayons lumineux traversaient ses yeux et ravivaient leur éclat. Ils brillaient comme des pierres précieuses. A la manière de pixels, apparaissaient une multitude de couleurs intenses : bleu cyan, saphir, turquoise, émeraude, safran, topaze étincelaient. A la différence de Julien dont les cheveux étaient blond platine, ceux de Thibault étaient cendrés. C’était un blond plus foncé, qui s’accordait parfaitement avec son teint halé. Je le regardais comme on regarde une œuvre d’art. J’admirais chacun de ses traits. Nous étions dans la même classe de la 4eme à la terminale. Comme d’habitude, je n’ai dit à personne qu’il me plaisait. Sauf une fois, et ce fut une erreur. J’avais un voisin de classe que j’aimais beaucoup à l’époque. Il s’appelait Aurélien. On s’amusait bien en cours tous les deux. On comptait le nombre de fois où le prof de français disait « euh ». Un jour, il nous avait donné un devoir à faire, alors c’était silencieux, et on s’ennuyait, on pouvait plus compter ses « euh ». On a eu une idée. Toi, tu vas lui poser une question m’a-t-il dit. Et moi je vais mettre des bâtons sur ma feuille à chaque fois qu’il dit euh. Le prof avait pris ma question improvisée très au sérieux. Il s’est lancé dans une longue explication. Je n’écoutais pas. Je me concentrais pour ne pas rire, et j’avais Aurélien dans mon champ de vision à gauche qui prenait en note chaque hésitation, chaque « euh ». Aurélien était un garçon très cool, solaire, je me sentais bien avec lui. Un jour j’ai voulu me confier. J’ai voulu lui dire pour Thibault. Comme j’avais pas envie de lui dire directement, j’ai écrit un petit rébus sur un bout de papier. ? R eau 20, quand on décryptait le rébus, on pouvait lire une phrase en espagnol : Quiero veinte. J’aime 20. Le nombre 20 pour la 20eme lettre de l’alphabet. Si vous savez pas laquelle c’est, vous pouvez réciter l’alphabet et au bout de 20 vous tomberez sur la lettre T. T comme Thibault bien sûr. Aurélien avait deviné. Malheureusement pour moi, les autres garçons de la classe l’avaient vu glisser mon morceau de papier dans sa poche, et s’étaient jeté sur lui à la fin du cours pour découvrir le message. Ils n’ont pas mis longtemps avant de comprendre que j’aimais un garçon dont le prénom commençait par la lettre T. Le truc c’est que yavait 3 T dans la classe : Tristan, Thibault et Thomas. Ils ont discuté et ils ont déduit lequel des trois c’était. Le secret était révélé. Je me suis mise à pleurer. Thomas est venu me voir pendant la récré. J’étais assise sur un banc en train de pleurer. Il s’est approché de moi, et m’a dit « Chu désolé. ». Il est gentil, je me suis dit, il est là pour faire le messager sans doute parce que Thibault est trop gêné pour venir me voir. Après ça je me disais que maintenant que Thibault savait, ça n’avait plus d’importance. Peut-être que la gêne en valait la peine. Quitte à avoir la honte, autant que ça serve à quelque chose. Alors petit à petit j’ai manifesté mon intérêt pour Thibaut, j’ai commencé à le charrier, à l’embêter. « Qui aime bien, châtie bien » comme on dit. En tant que latiniste on est partis en voyage en Italie avec la classe. Pendant ce séjour où le groupe était H24 ensemble, ya eu plein de moments où je me suis retrouvée à me chamailler avec Thibault. Ça restait un semblant d’amitié, mais c’était amplement satisfaisant. Un soir dans un hôtel de Rome, les filles m’avaient poussée dans la chambre de Thomas et Thibault. Ils faisaient une bataille d’oreiller. Trop gênée pour participer, je me suis extirpée rapidement, mais j’ai eu le temps d’apercevoir leur pyjamas écossais, ils portaient presque le même. Le jour où on est tous revenu à Angers avec le car, les parents s’étaient empressés de charger les bagages dans les voitures. J’étais la dernière à récupérer mes affaires. C’était pas les miennes. Quelqu’un était parti avec ma valise, et celle que j’avais sous les yeux était donc la sienne. Mais qui ? On a ouvert la valise pour voir si yavait pas un nom quelque part. Mes parents, le directeur du lycée et moi-même étions là, sur un parking au milieu de la nuit à fouiller une valise à la recherche d’indices. Soudain on est tombé sur un pyjama, c’était celui de Thomas. Et oubliant les regards braqués sur moi, oubliant la réalité, je me suis exclamée : C’est le pyjama de Thibault !
Ils n’ont même pas remarqué mon lapsus. Ils ont tout de suite vu l’étiquette de Thomas, ils ont ri, puis cette histoire est passé aux oubliettes.
Toujours est-il que je me suis toujours demandé pourquoi Thibault n’avait pas réagit le jour du rébus, ni même après.
Ce n’est que quelques années plus tard, au lycée, que j’ai compris.
J’étais en cours de physique. Derrière moi, deux garçons en train de bavarder. Je n’y prêtais pas vraiment attention jusqu’à ce que j’entende l’un d’entre eux, prononcer mon prénom. Alors j’ai tendu l’oreille. C’était Thomas, il racontait cette histoire de valise. Puis, à un moment, il dit à l’autre en parlant de moi : Tu te souviens quand elle était amoureuse de moi en 4ème ?