4-Sage comme une image

Vous avez tous connu un bon élève, un premier de la classe, si ce n’est de l’avoir été vous même. Mais savez vous que derrière un regard attentif se cache parfois un esprit rêveur ?

Vocabulaire

  • Les petites filles modèles : roman de la Comtesse de Ségur

  • une pro : une professionnelle, ici une experte

  • un magasine bimensuel : un magasine que l’on reçoit deux fois par mois

  • des frères jumeaux : des frères qui sont nés d’un même embryon, identiques physiquement

  • aux antipodes : contraires

  • irritant : énervant

  • le bazar : le désordre

  • rater : échouer, ne pas réussir

  • le petit dej : petit déjeuner

  • agonisant : souffrant jusqu’à la mort

  • sage : qui se conduit bien, calme, qui écoute attentivement

  • faire rire la galerie : faire rire tout le monde

  • une blague : une plaisanterie

  • empêcher : stopper, arrêter, éviter

  • une bêtise : une chose interdite à faire

  • se mettre à genou : supplier

  • les 400 coups : une suite des pires bêtises

  • la cantine : le restaurant scolaire

  • notifier : signaler

  • un pion : un surveillant

  • une colle : une punition

  • abruti : idiot, stupide

  • l’école buissonnière : ne pas aller en cours

  • le collège : l’école pour les élèves de 11 à 15 ans

  • un cancre : un mauvais élève

  • déroger aux règles : ne pas respecter les règles

  • les cassos : “cas sociaux”, les élèves qui font des bêtises ou les mauvais élèves

  • un truc : une chose

  • une vanne : une blague, une plaisanterie

  • griffonner : écrire

  • hasardeux : de manière non organisée

  • histoire-géo : histoire-géographie

  • dévoiler : découvrir, dire

  • une plaisanterie : une blague

  • une balance : quelqu’un qui dénonce les autres

  • en cachette : en secret

  • le CPE : Conseiller Principal d’Orientation

  • un néologisme : invention de nouveaux mots

  • furieux : fâché, en colère

  • la discipline : le respect des règles

  • un carnet : une petit cahier

  • un air grave : un air sérieux, dramatique

Transcription

Vous connaissez les petites filles modèles ? Le roman de la comtesse de Ségur ? Ben j’ai été l’une d’entre elle. Si vous ne connaissez pas, écoutez mon histoire et vous comprendrez de quoi je parle.

Bienvenue sur le podcast : La Vie d’Alix

Si j’avais eu un mantra à l’époque, ça aurait été « Je fais tout bien ». J’étais une vraie pro dans l’art de tout bien faire. Je faisais bien mes devoirs, je rangeais bien ma chambre, je me lavais bien les dents avant d’aller au lit, je faisais bien mon lit le matin. Ça me fait penser à une bande dessinée d’Astrapi, un magasine bimensuel auquel j’étais abonnée. Dans cette BD, on observe le quotidien de deux frères jumeaux qui sont aux antipodes. Pik et Pic. Pik avec un k fait tout n’importe comment, tandis que Pic avec un c fait tout parfaitement. Ce qui est très irritant dans cette BD, et j’ai réalisé à quel point ça m’irritait déjà à l’époque, c’est qu’à chaque fois qu’il fait quelque chose, Pic avec un c commente ce qu’il fait. C’est hilarant quand j’y pense maintenant. On voit d’abord Pik avec un k faire une chose banale, et il rate tout, il met un bazar pas possible, il est complètement désordonné et maladroit. Après ça, on voit la même situation vécue par Pic avec un c, et il commente tout ce qu’il fait comme s’il se parlait à lui-même. Quand il se réveille le matin par exemple, et qu’il s’habille, on peut lire dans une petite bulle au-dessus de sa tête « Heureusement que j’ai préparé mes affaires hier », ensuite il prend son petit dej et il y a une bulle qui dit « je préfère l’orange pressée mais le kiwi c’est quand même plus pratique » Là dans ma tête j’ai le rire agonisant de l’ex-enfant modèle qui voulait tellement ressembler à ce Pic tout lisse. A l’école, je voulais être sage comme une image. Je ne bougeais pas, je ne parlais que pour répondre aux questions de la maitresse. Parfois les autres élèves, surtout les garçons, faisaient des blagues pour faire rire la galerie. Moi aussi j’avais des bonnes idées de blagues, de jeux de mots, et j’avais envie de les dire, les lèvres me brulaient… mais je m’en empêchais. Je pensais à ce rôle que je m’étais donnée. Alors je restais dans ce rôle. Parfois j’aurais bien voulu être une mauvaise élève, pour rigoler un peu avec les autres. J’avais tellement cette étiquette d’élève modèle que même au collège quand une bêtise collective s’organisait, mes camarades me suppliaient de participer. Pas la peine de vous mettre à genoux les gars, c’est mon rêve de faire les 400 coups. De toute façon, j’étais dans un collège tellement stricte que les bêtises qu’on faisait, c’était rien. Une fois, en 4eme. J’ai oublié de passer ma carte de cantine devant la machine à bip pour notifier ma présence. Le lendemain, le chef des pions, autrement dit, le surveillant responsable, se pointe dans la classe. Comme d’habitude, j’me disais qu’il allait distribuer des colles aux mêmes garçons… et ben nan, il prononce mon nom entier, me demande de sortir de la classe. Hésitante, je m’avance vers lui, il me conduit à l’extérieur et me dit : « Vous n’étiez pas à la cantine hier midi ? » Bien sûr que si, abruti, tout le monde m’a vue, tu crois que je suis du genre à faire l’école buissonnière ? Je lui ai pas répondu ca visiblement, j’ai plutôt baissé les yeux et je lui ai dit que c’était un oubli, que la machine n’avait pas enregistré mon nom. Il avait déjà pris sa décision. Deux heures de colles. Une colle c’est une punition. Ça veut dire que je devais revenir un samedi matin au collège pour travailler pendant deux heures alors que tout le monde dormait. Enfin tout le monde, sauf les mauvais élèves, les cancres et tout ceux qui dérogeaient aux règles. La tête qu’ils ont eu tous les cassos quand ils m’ont vue arriver le samedi devant le portail du collège. Le pire élève du lycée m’a dit « Ben, qu’est-ce que tu fais là ? », et je pouvais même pas lui dire un truc cool. Oubli de carte de cantine c’est nul comme excuse. Au fond, je crois que j’avais envie d’être comme eux. Quelque chose en moi voulait se rebeller. J’adorais les blagues collectives car c’était une opportunité pour moi de participer à la bêtise. Un jour quelques élèves ont eu l’idée d’une vanne. Ils ont griffonné plein de mots différents et hasardeux sur des bouts de papiers et les ont distribués à toute la classe : cascade, maman, nombril, bleu, mécanique… On avait cours d’histoire géo et le but était de placer son mot pendant le cours, l’air de rien. C’était drôle car chacun d’entre nous était concentré sur son mot à dire et à chaque fois qu’il y parvenait, on entendait des rires. Au bout d’un moment la prof nous a demandé pourquoi on riait mais personne n’a dévoilé la plaisanterie, on se serait fait traiter de balance sinon. Au lycée, on avait même pas le droit de sortir le midi. On allait s’acheter des cookies en cachette à la boulangerie d’à côté, la mie câline. C’était ça nos bêtises. C’était pas grand-chose. Un jour, je me suis retrouvée dans le bureau du CPE parce qu’au lieu de traduire les vers en latin, j’écrivais des mots sur un carnet, plus précisément, j’inventais des mots. C’était avec une amie dont je vous parlerai plus tard. On faisait des néologismes. La prof de latin furieuse n’avait aucune idée de ce qu’on faisait réellement. Elle nous a envoyées dans le bureau de Monsieur Loup. Celui qui gérait la discipline. Il a lu nos carnets, il a pris un air grave et il a dit : C’est très beau. Je ne serais pas surpris si dans quelques années, je voyais votre nom parmi les écrivains. Alors, je ne suis pas devenue écrivain, mais le gout pour l’écriture ne m’a plus quittée.

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