Hors Série 1 : Stracciatella

Il ne parle pas un mot de Français. Je ne comprends pas tout ce qu'il dit. Je viens de traverser la Terre. Me voilà, avec lui, à manger une glace l'autre bout du monde.

Vocabulaire

  • le pouce : le plus gros et le plus court des doigts de la main

  • glisser : dire rapidement

  • une mec : un homme

  • une meuf : une femme

  • saouler : fatiguer

  • l'équilibre : pose acrobatique tenue en général la tête en bas, le corps dressé à la verticale, la tête et les mains servant de point d'appui au sol

  • qui plus est : surtout, spécialement

  • venir de : indique une action qui s'est achevée tout récemment

  • tardif : qui se fait tard

  • jetlagué : fatigué à cause du décalage horaire

  • des tapas : En Espagne, sorte d'amuse-gueule que l'on prend avec l'apéritif

  • bobo : bourgeois-bohème, style d'une personne plutôt jeune, aisée et cultivée, affichant son anticonformisme

  • serrer la main : faire une poignée de main en guise de salutation

  • la bise : faire un bisou sur chaque jour pour dire bonjour

  • vêtu : habillé

  • à l'aise : confortable

  • plaire : séduire, attirer

  • attentivement : consciencieusement

  • une pâtisserie : préparation sucrée de pâte cuite, qui peut être fourrée, recouverte d'un glaçage ou décorée

  • la danse latine : danse d'Amérique du Sud, telle que la salsa ou la bachata

  • dehors : à l'extérieur

  • faire semblant : prétendre

  • un cliché : un stéréotype

  • apaisant : calmant

  • blond vénitien : entre le blond et le roux

  • le profil : le côté du visage

  • un parfum : un goût, une saveur

  • un truc : une chose

  • genre : comme

  • stracciatella : fromage italien

  • gorgonzola : fromage italien

  • dégoutant : mauvais, répugnant

  • le cornet : le cône comestible qui supporte la glace

  • un creux : un trou

  • rougir : devenir rouge

  • rancunier : qui n'oublie pas les offenses ou les injustices subies.

Transcription

Bonjour,

Aujourd’hui je voudrais vous parler d’une rencontre qui a littéralement changé ma vie. Une rencontre qui s’est transformée en une histoire très belle, celle d’un amour inconditionnel.

Bienvenue sur le podcast : La vie d’Alix, épisode spécial, hors série.

Je l’ai rencontré sur cette application stupide qui consiste à glisser son pouce à gauche ou à droite de l’écran pour indiquer que l’on aime ou non une photo, et donc un mec ou une meuf.

Je voulais tester. Au début, je trouvais ça marrant, puis ça m’a vite saoulée. Au bout d’une centaine d’images, j’ai décidé de regarder avec qui j’avais matché. Sa photo m’avait tout de suite plu. On le voyait, de loin, faisant l’équilibre sur la plage. La photo était belle, et je m’étais dit que ce mec devait être cool et sympa, pour avoir mis une photo comme celle-ci. Qui plus est, il aimait la gymnastique, ce qui constituait un atout indéniable. J’ai choisi de lui parler à lui, ce soir-là. J’venais d’arriver en Australie. Cette appli me faisait rire et ça me plaisait de pouvoir échanger avec un Australien. Une des premières choses qu’il m’a dite par message, c’était qu’il voulait être prof d’anglais à l’étranger. J’ai trouvé ça à la fois incroyable et amusant qu’une telle coïncidence nous amène à discuter, et surtout que ce soit le premier mec avec qui je décidais de parler. Ensuite, nous avons commencé une longue conversation écrite. Nous sommes passés sur Messenger. Tous les soirs on parlait jusqu’à une heure tardive. Faut dire que j’étais toujours jetlaguée. Au bout de quelques jours, je lui ai proposé de se rencontrer. On s’est vus dans un bar tapas bobo chic du centre-ville d’Adélaïde. Le lieu était bruyant mais sympa. Avant d’aller au rendez-vous, j’étais complètement stressée. J’avais peur de ne pas le comprendre, peur de ne pas savoir quoi dire, peur que la musique soit trop forte. Il est venu me chercher en voiture. Je l’attendais dans le jardin. Il est arrivé. Je l’ai vu. Il était grand. J’ai souri. Il a souri. Il m’a serré la main. J’étais surprise mais après tout en Australie ils ne font pas la bise, et il n’allait quand même pas me faire un hug. Chuis montée dans la voiture. Je l’ai trouvé très calme. Il avait une élégance dans sa manière de se tenir très droit. Il était vêtu simplement. Il portait un pull fin. Il m’a mise à l’aise tout de suite. Je n’avais plus peur. Je parlais. Il s’est garé dans un parking de la ville, puis on a marché jusqu’au bar. J’étais encore un peu nerveuse car je voulais lui plaire. Il me plaisait déjà. Il écoutait très attentivement tout ce que je disais et il posait beaucoup de questions. Nous avons parlé de langues étrangères et de pâtisseries. Nous avons partagé des tapas. Nous avons parlé longtemps, puis nous sommes sortis. J’ai appris qu’il prenait des cours de danse latine. Je me suis dit : « Nan mais c’est pas possible, ce mec est génial. » Je lui ai glissé vite fait « Si tu veux on pourrait aller ensemble à la plage un jour. » Je ne sais pas s’il a compris qu’il me plaisait à ce moment-là. J’avais envie de le revoir, de le connaitre, de passer du temps avec lui. Dehors, il faisait nuit. C’était beau, les lumières de la ville. On a marché un peu, comme pour faire durer le moment. Je n’arrivais pas à comprendre tout ce qu’il disait. Parfois je faisais semblant. Dans la voiture, pendant le trajet du retour, on a parlé des stéréotypes sur les Francais. Je lui ai demandé quel était selon lui le cliché sur les Français. Il a commencé sa phrase par « Je ne suis pas quelqu’un qui juge ». C’est une qualité que j’ai tout de suite remarquée chez lui. Il ne juge pas. Chuis rentrée enchantée de ce premier date. Je trouvais sa voix agréablement calme et posée, grave et apaisante. J’aimais son sourire discret, ses cheveux blonds vénitiens, ses yeux bleus azur, son profil doux et élégant. J’aimais la façon timide qu’il avait eu de m’embrasser sur la joue, lorsque je m’étais rapprochée de lui pour lui faire la bise, oubliant que c’était quelque chose d’étrange pour eux. Je lui ai dit « C’était un moment très agréable, j’espère qu’on se reverra. » Après ce premier rendez-vous, j’ai voulu le revoir rapidement. La deuxième fois, nous sommes allés manger une glace à Victoria Square. D’habitude je prends toujours le même parfum mais cette fois ci j’ai voulu m’aventurer sur un parfum original. J’ai choisi un truc normal genre vanille ou stracciatella, puis un autre truc complètement bizarre à mon avis, genre gorgonzola. On avait décidé de partager la glace, probablement parce que c’était plus romantique. On a commencé à manger en tenant alternativement le cornet dans la main, et j’avais le coté stracciatella en face de moi. J’ai tourné le cornet pour gouter un morceau de gorgonzola, et j’ai trouvé ça dégoutant, mais j’ai rien dit. J’ai continué à manger le coté bon, avec la stracciatella. Je prenais la glace vers la base du cornet pour en avoir le plus possible sans que le niveau ne descende. Il ne s’est aperçu de rien, jusqu’au moment où il a tourné le cornet pour changer de parfum. Il a vu ma fourberie. Il y avait un gros creux au niveau de la stracciatella. J’ai rougi. Il a ri. On s’est quand même revus après ça. Il n’était pas rancunier, car ce jour-là, au troisième date, on s’est embrassés.

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